Enjeux
C’est au moment de la clôture du délai de postulation que l’on se rend compte si les efforts déployés pour attirer les talents, notamment féminins, ont porté leurs fruits. Si tel n’est pas le cas, des mesures correctives sont encore possibles.
Puis l’examen des candidatures est une étape cruciale, car c’est à ce moment-là qu’à cause de biais de genre inconscients, des candidatures de qualité risquent d’être écartées. Ces biais de genre nous influencent toutes et tous. Seule une prise de conscience et un examen critique de soi et d’autrui permettent de les neutraliser.
Que faire ?
- Les candidatures devraient comprendre au moins 30% de femmes. Si tel n’est pas le cas, la commission peut décider de prolonger le délai de postulation et intensifier les efforts de diffusion. Au besoin, le profil du poste peut être élargi.
- La présidente ou le président s’assure avant toute chose auprès des membres de la commission qu’aucun conflit d’intérêt n’existe avec l’un·e des candidat·e·s, c’est-à-dire qu’ils n’appartiennent pas à un réseau commun (familial, professionnel, associatif, politique, etc.). Ces conflits d’intérêts doivent être déclarés et clarifiés. En cas de conflit, la présidente ou le président de la commission doit proposer une solution pouvant aller de l’abstention lors du vote au retrait du processus de la personne en question.
- Sélectionner et évaluer un nombre défini (par exemple 5) des meilleures publications des candidat·e·s.
- Prendre en considération les conditions d’emploi précédentes (taux d’occupation, nombre de contrats, continuité ou non de l’emploi) dans l’appréciation des dossiers.
- Procéder à l’évaluation des dossiers de manière systématique, en commençant par les dossiers féminins.
- Si, outre la promotion de l’égalité, la volonté de la faculté est aussi de valoriser la relève académique, analyser dans un premier temps uniquement les dossiers des femmes (toutes, quel que soit le stade de carrière) et des hommes juniors. Si aucune candidature convaincante n’est retenue, la liste d’hommes seniors peut alors être examinée.
- Accorder le même temps de lecture à chaque dossier et attribuer les appréciations en utilisant la grille de critères d’évaluation définie préalablement.
- Faire attention aux biais de genre lors de l’examen individuel des dossiers. Evaluer chaque critère de la même façon pour chaque candidature, en se basant sur des faits concrets et en évitant des interférences informelles. Poser les mêmes questions à propos de tous les dossiers.
- Autant que possible, faire abstraction de l’identité et du sexe du ou de la candidat·e, de son affiliation et sa renommée institutionnelle, des éventuels liens que l’on entretient avec ses collègues ou supérieur·e·s, et se concentrer sur l’évaluation des qualités du dossier et du potentiel.
- Etre ouvert·e à la diversité : les profils d’excellent·e·s chercheuses et chercheurs peuvent surprendre sur plusieurs points, notamment le lieu et l’institution d’origine, la manière de penser, d’agir et de travailler, les sujets de recherche et la manière de les aborder etc. Réfléchir à la manière dont de tels profils pourraient enrichir la recherche et l’enseignement de la faculté ou du département.
- Signaler lorsque des candidatures sont discutées selon des standards différents ou que des stéréotypes se sont immiscés involontairement dans les considérations. Par exemple, éviter de tenir compte de la situation familiale des candidat·e·s ; ne pas partir du principe qu’un·e candidat·e ne pourra pas ou ne voudra pas déménager. Considérer les candidates et les candidats jeunes à travers le même prisme, c’est-à-dire le potentiel de développement qu’elles et ils ont.
Que dit la recherche ?
À cause des biais de genre, nous avons tendance, hommes et femmes confondus, à considérer les femmes comme moins compétentes et moins légitimes dans des positions de leadership. À cause du mécanisme de double standard d’évaluation, les dossiers des candidates sont en général évalués de manière plus stricte que ceux des candidats masculins. Un même critère peut être interprété différemment pour les hommes et les femmes. Les mères, en particulier, sont dévalorisées en tant que professionnelles. Les principes d’homophilie et d’homosocialité impliquent que l’on a tendance à préférer travailler avec des personnes qui nous ressemblent et à les évaluer de manière plus positive. Ceci aboutit à un phénomène de « gatekeeping » inconscient, où l’on tendra à préférer les candidat·e·s à qui l’on s’identifie ou avec qui l’on a un lien.
La recherche montre qu’il est possible de neutraliser les stéréotypes de genre. Le premier pas consiste à prendre conscience du fait que, comme tout le monde, on a des biais de genre inconscients. On sait aussi qu’il est plus facile de repérer l’influence de stéréotypes de genre chez les autres que dans nos propres propos ou décisions. Il est donc utile que chacun·e rende les autres membres de la commission attentifs et attentives lorsque des biais de genre altèrent l’évaluation objective des dossiers.
Finalement, la recherche montre que, trop souvent, l’examen des candidatures reproduit une définition de l’excellence basée sur un modèle de carrière masculin, intensif, linéaire et ininterrompu. Remettre en question cette définition de l’excellence permet d’éviter de prétériter en particulier les candidates féminines, qui sont davantage susceptibles d’avoir eu des interruptions pour cause familiale, d’avoir travaillé à temps partiel et/ou sur des contrats temporaires.
Il existe également une tendance à valoriser principalement les activités de recherche des candidat·e·s et à ignorer les autres critères, tels que les compétences d’enseignement et de gestion administrative, des tâches dans lesquelles les femmes sont souvent investies. De plus, pour comparer le potentiel des candidat·e·s et leur productivité scientifique (par exemple la bibliométrie), il est utile de prendre en compte le temps et les ressources qu’ils et elles ont respectivement eus à disposition pour se consacrer à la recherche. La recherche montre que lorsque ces éléments sont pris en compte, la productivité est similaire pour les hommes et les femmes.